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mardi 14 septembre 2010

Portraits sensibles 1: Philippe Berthet des Mondi



mardi 14 septembre





Nous nous retrouvons dans le petit appartement de Philippe au centre ville de Montélimar. Il habite là, en location, depuis son mariage il y a maintenant 19 ans. Ils sont toujours ensemble avec sa femme, et maintenant avec Mathieu leur grand fils de 14 ans.

Bien qu'habitué a la prise de parole, par ses fonctions syndicales, Philippe avoue qu'il est un peu timide de nature. Et cette timidité il l'a transmis à son fils. Mais au bout d'un moment, l'un comme l'autre se feront à la présence du micro et pourront dire un peu de ce qu'ils vivent depuis l'annonce de ce licenciement qui frappe toute la famille.
"Je suis arrivé dans la Drôme en 1973. J'accompagnais mon père qui quittait son emploi d'artisan opticien dans le Jura pour prendre une place d'ouvrier opticien à Montélimar. On s'est expatrié dans le sud. C'est pas le même climat que dans le Jura. Le soleil et le vent en plus. Je suis allé jusqu'au bac que je n'ai pas eu et après j'ai fait le service militaire. Ensuite une série de petits boulot, intérimaire etc.. Je suis resté 15 mois en intérim au service expédition de Lambacell. A ce moment là ils ont acheté une nouvelle imprimeuse 8 couleurs et m'ont proposé de travailler dessus... Y pas d'école j'ai appris avec les anciens sur une machine toute électronique. L'imprimerie c'est la base de notre travail. La plus part des sacs que nous fabriquons sont imprimés: 1 ou 2 couleurs, juste du texte ou des sacs très complexes, avec des clients très importants Royal Canin, Nestlé... des clients n°1 dans ce qu'ils font dont nous devons partager la qualité de l'image de marque qu'ils veulent donner. Cela m'a beaucoup formé. En France il n'y a que 2 fabricants de sacs, nous et Gascogne dans les Landes. Smurfit a vendu ses usines en Italie et en Espagne. Et Mondi a de nombreuses unités de production dans toute l'Europe... J'avais 25 ans qu'en je suis entré à Smurfit et aujourd'hui j'en ai 46. Je pense que si je n'étais pas compétent dans mon travail je ne serais pas resté sur cette machine tout ce temps.
Et en dehors du travail? je me suis marié quand je entré à Lambacell. De ce côté ma vie n'a pas changé bien qu'autour de moi beaucoup aient divorcé. On travaille en 3 huit, une semaine le matin 5h 13h une semaine l'après midi 13h 21h et une semaine de nuit de 21h à 5h sur 5 jours par semaine, toute l'année, sans fermeture de l'usine. Parfois des heures sups s'il y avait trop de boulot et qu' avec des volontaires. Avec les années les effectifs ont diminué et les cadences ont augmenté. On est passé de 125 personnes et 4 lignes à 3 lignes et on nous demande toujours plus. Les accords nous donnent des avantages basées sur des cadences. Si on monte les cadences l'année suivante ils augmentent les objectifs. Sur la vie familiale le travail par poste a des incidences: jamais le même rythme de travail, de sommeil, d'heures de repas...j'ai pu cependant profiter de mon fils car deux semaines sur 3 je pouvais le récupérer et l'aider à travailler le soir. La nuit on pense à dormir et à la vie de couple... mais la nuit on a pas de chef ni de directeur dans les pattes. Une tranquilité qu'on a pas le jour.
Le matériel a-t-il évolué en 19 ans? Non pas du tout. En 19 ans, alors que le constructeur conseil une grosse remise en état (un "retro-fit": 60% du prix d'une neuve) tous les 10 ou 12 ans, il n'y a eu aucune remise en état. Nous en sommes au point ou les machines tiennent réellement grâce à des bout de ficelle, de scotch ou de fil de fer! C'est un peu désolant et on est obligé de prendre des risques pour faire notre boulot. Les réparations ne sont faites que quand la machine menace de s'arrêter. Il faut plus de temps pour arriver à un bon résultat.
Quelle solidarité entre les salariés qui font le poste? Je commence à faire parti des anciens. Les anciens nous passaient leur savoir faire. Il y avait un esprit d'équipe. Aujourd'hui à cause des diminutions d'effectif les équipes ne sont plus élastiques et sont souvent modifiées.
Quelles relations entre vous en dehors du travail? Dans mon cas très peu. En dehors je fais parti du syndicat, je vais au permanences de l'union locale pour aider les autres. J'aide aussi mon fils et je suis présent pour ses activités sportives et autres. Je fais aussi du bricolage.
Comment avez vous annoncé la fermeture à votre famille?. De façon un peu brutale, comme nous on l'a appris. Certain membre de ma famille l'on su dans le journal le lendemain de l'annonce par les patrons.
Vous en parlez? Pas beaucoup! ma femme a été surprise et assommée. Nos parents ont moins connu des situations semblables alors que pour notre générations, de nombreuses entreprises subissent çà. Tous les jours on entend des fermetures pour des raisons financières, à cause de la mondialisation
Et vous comment avez-vous encaissé le coup? Au début on se demande si on rêve, si on est pas entrain de vivre un match de boxe et qu'on vient de ramasser le coup de trop! Et après il faut prendre le temps de réaliser. Tant qu'on a pas vu de machine partir, de copain s'en aller, on est pas à 100% entrain de réaliser ce qui nous arrive. Je pense qu'on va en prendre conscience avec les premiers départs. Je ne sais pas si on peut se préparer à ce genre de chose. Depuis qu'on a appris la fermeture il y a 2 mois, certaines fois je me pose la question de ce que je ferais demain.
Vous avez une idée? Franchement à ce jour je n'ai aucune idée hormis de rester dans le domaine de l'impression, peut-être en quittant la flexographie pour d'autres activités d'imprimerie. Mais à 46 ans on se réoriente pas comme à 25/30 ans Plus on monte en âge et plus on se fait à l'idée qu'on finira dans la boîte où on est.
Vous auriez besoin d'être aidé et accompagné pour changer? Le plan social prévoit cela. Il y aura des possibilité de formation, de reclassement, il y aura la validation des acquis et le bilan de compétence qui devraient permettre de nous aiguiller. Mais si j'avais voulu changer de métier, j'aurais pas attendu 46 ans! On sera obligé.
Vous voulez rester sur Montélimar? j'ai toujours vécu depuis l'âge de 9 ans à Montélimar et j'aimerais y rester. Arrivé à un certain âge on a pas envie de changer de cadre, d'amis. Tout s'étudiera, quand même, fonction du poste, du salaire. Mais je préférerai rester par ici.
Et les mois à venir? Je les surveille, je les appréhende...
Et toi Mathieu, quand tu a appris que ton papa allait perdre son emploi, qu'as tu ressenti? J'ai eu peur, peur que nous n'ayons plus assez d'argent pour manger, pour boire...Je fais de l'escrime , de la flûte traversière. Ca coûte de l'argent et j'ai peur de ne plus pouvoir en faire. Et puis je sais pas si on pourra encore aller à Valence pour les tournois de carte...
Que voudrais-tu faire plus tard? Professeur de mathémathiques ou physique/chimie parce que au collège j'aime bien enseigner et la recherche? la recherche aussi cela me plairait... alors bonne chance Mathieu!

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